Commandants !
Nous nous intéressions récemment à l'odyssée des usines Renault et leur rôle dans le développement de la doctrine française du char d'assaut. Pour compléter notre premier article, il nous fallait revenir sur un détail très important de cette histoire du blindé à la sauce tricolore : AMX.
Trois lettres
Ceux qui nous lisent régulièrement ou qui se sont un jour intéressés à la blindaille le savent déjà, mais les lettres derrière AMX se cache le nom des Ateliers de construction d'Issy-les-Moulineaux. D'où viennent-ils ? D'une situation plutôt complexe. Comme on vous l'expliquait il y a quelques semaines, entre les deux guerres, l'équilibre des usines Renault était précaire. Bloqué entre un retour à l'économie de paix et les exigences de l'armée française quant à un successeur à l'emblématique char FT, Louis Renault hésite.
Mais l'hésitation est coupée courte par le gouvernement du Front populaire de Léon Blum dès 1936. Craignant un nouveau conflit armé entre la France et l'Allemagne, le gouvernement ordonne la nationalisation des usines Renault situées à Issy-les-Moulineaux, qui se spécialisent dans la foulée dans le développement de blindés. D'abord installés Quai Stalingrad, les ateliers seront au fil du temps déménagés sur le plateau de Satory, chef-lieu des Yvelines.
Ci-contre : production de l'AMX 35 à Issy, avant la nationalisation.
Premier héritier
Établis par la force, les Ateliers d'Issy-les-Moulineaux, ironiquement, ne seront utiles à l'armée française qu'après la Seconde Guerre mondiale. Certes, AMX aura vu passer les chars utilisés pendant le second conflit mondial, mais ses premiers travaux en nom propre remontent à 1949, lorsque les ingénieux d'Issy commencent à se pencher sur deux problématiques nationales. La construction d'un char principal de combat, ou Main Battle Tank, et celle d'un véhicule blindé de reconnaissance.
Un AMX 13 israélien au musée de Yad La-Shiryon
L'AMX 13 répond bien évidemment à la deuxième, et se veut conforme aux exigences de l'état-major, recherchant un véhicule mobile, relativement autonome, suffisament léger pour être transportable par les airs, mais tout de même capable de déployer une forte puissance de feu. Et si l'aérotransportabilité est vie abandonnée, les travaux d'AMX séduisent et mèneront au développement de nombreuses variantes, en partie financées par les États-Unis. La plupart porteront un canon de 75 mm qui évoque celui des Panthers allemands, mais qui est cette fois renforcé par deux barillets rotatifs de six obus. Une puissance de feu décuplée qui sera d'ailleurs utilisée pendant la guerre d'Algérie avec l'entrée dans le conflit de plus de 110 engins.
Nouveaux projets
Le succès écrasant de l'AMX 13, qui était encore en service dans les années 1990, fait oublier à AMX l'échec de plusieurs prototypes, comme l'AMX 38 et 40, qui au sortir de la seconde guerre mondiale, devaient succéder au D2 et au Somua S-35. Mais les ateliers ne volent pas de succès en succès pour autant. Il faut dire que partout, la doctrine du blindé est en pleine évolution, et que le développement d'un Main Battle Tank n'est pas une mince affaire.
Un prototype de l'AMX 30
Lorsque l'AMX 30 arrive sur la table de dessin, la pression est donc énorme. Seule la conception du véhicule sera d'ailleurs réalisée à Issy, la nature du projet poussant les ingénieurs à délocaliser la production du côté de Roanne, dans la Loire. Le véhicule en lui-même mériterait son propre article, mais retenez qu'il est né de l'échec de nombreux prototype concurrents et d'une tentative de collaboration européenne. Après des années d'un développement complexe, l'AMX 30 arrive enfin en production dans les années 1970, et deviendra l'un des châssis les plus populaire de l'histoire du blindé à la française.
On pourrait également citer l'AMX 50, qui a déjà fait l'objet d'un article, et bien d'autres projets dont les études furent réalisées à Issy-les-Moulineaux, pour mesurer l'impact de ces ateliers sur l'histoire de l'armée blindée en France. Mais certains de ces travaux ont encore un peu d'avance sur World of Tanks ! En l'état, vous comprendrez que de la nationalisation jusqu'au développement de l'AMX 30 en passant par de nombreux projets avortés mais néanmoins fascinants, ces ateliers ont eu une influence énorme. On vous laisse en discuter ci-dessous.
En avant !