Le Renault FT, une histoire française

Commandants ! 

Avec cet article, nous inaugurons une nouvelle série, qui sera entièrement dédiée aux plus célèbres des chars français, leurs créateurs, ou les endroits où ils furent construits. Et nous commençons tout de suite avec l'un de nos véhicules les plus emblématiques : le Renault FT.

La France, retardataire ?

Vous le savez, nous ne sommes pas les premiers a avoir construit des chars. Six mois après nos confrères britanniques, nous nous penchons sur la question, mais avec un œil plus audacieux, presque avant-gardiste. Quelques années plus ensuite, nous terminerons la Première Guerre Mondiale avec le plus grand nombre de véhicules blindés, une quantité qui ne sacrifiait pourtant pas la qualité. Mais au fait, comment en sommes-nous arrivés là ? La route fut longue, car les premiers designs français étaient finalement très proches de ceux développés par les britanniques.


Le Saint-Chamond

Revenons en arrière. Nos deux pays sont alors inspirés par le tracteur d'artillerie Holt, mais là où les anglais s'intéressent au Holt 75, nos yeux se tournent tout de suite vers sa version plus légère, surnommée le « Holt Baby ». Un premier pas dans la direction de ce que l'on désignera plus tard comme des chars légers, mais pour le moment, nos idées tiennent plus du char moyen. On pense notamment au Saint-Chamond ou au Schneider CA.1 ainsi qu'aux premiers véhicules imaginés par les usines Renault, sous l'impulsion du Colonel Estienne. Retenez ce nom, le bonhomme deviendra plus tard l'un des plus grands penseurs du char à la française.

La naissance du char léger

En rendant visite aux britanniques en 1916, Estienne devine qu'en complément des chars moyens et lourds développés outre-manche, des véhicules légers seront cruciaux pour la suite du conflit. Les excellentes relations du Colonel avec les usines Renault lui permettent de conceptualiser le projet d'un char léger, qu'on appellera ensuite « patrouilleur ». Une première maquette grandeur nature est construite dès octobre 1916, et sa conception est tout simplement révolutionnaire.

Le Renault FT était plutôt manœuvrable, pour l'époque !

Tout d'abord, le moteur est placé à l'arrière de l'engin, et séparée de l'équipage, ce qui améliore grandement le confort des soldats piégés dans le ventre e la machine. Plus surprenant encore, le char porte une tourelle, qui incorpore une mitrailleuse, actionnée par le commandant. L'invention n'est pas française, puisqu'elle fut un temps étudié pour le char britannique Little Willy, mais ses créateurs l'avaient rapidement abandonné.  Le char Renault est (presque) né.

Premières modifications 

Tout le monde n'est pas prêt à célébrer sa naissance. Si Estienne, devenu général, est enthousiaste, un autre général, Mouret, reste sceptique. Bien heureusement, Joffre, commandant en chef des armées françaises, vole au secours du projet en commandant 50 véhicules à Renault. Mais coup de théâtre, Joffre est vite remplacé par Robert George Nivelle, bien plus conservateur quant à la question des chars. Le processus est alors ralenti et implique bien des négociations entre les représentants des usines, de l'État-Major français et les ingénieurs, mais malgré tous les premiers Renault FT, aussi appelé « Char Léger » (pourquoi faire compliqué) seront produits en mars 1917.


Deux Renault FT et des soldats américains.

Ces nombreuses conversations vont altérer la croissance du char Renault, dont l'apparence change au gré des tests et des débats. Il reçoit une queue pour mieux franchir les tranchées, voit la taille de sa tourelle se réduire et marque l'apparition de la toute première coupole de commandant ! Les problèmes sont nombreux (par exemple, la poudre de la mitrailleuse menace d'intoxiquer l'équipage et demande une nouvelle ventilation) mais le Renault passe chaque nouveau test avec succès, jusqu'à ce que Nivelle soit forcé à capituler en Avril 1917. Pas moins de 1000 véhicules sont commandés.

Concurrence et collaboration

La percée du char léger dans le cœur des militaires et ingénieurs français attise les convoitises. Plusieurs entreprises s'essaient alors au projet, comme Schneider-Creusot, Delaunay-Belleville à Saint-Denis ou encore Peugeot. Vous avez bien lu, avant de s'affronter sur le secteur de l'automobile de nos jours, Peugeot et Renault tentaient de gagner la bataille pour le char léger français. La marque au lion est en l'occurrence le plus sérieux des concurrents du Renault FT, mais elle ne rattrapera pas son retard. Jugée trop complexe, la machine de Peugeot est abandonnée malgré une vitesse légèrement supérieure, un armement différent et un blindage plus solide. 


Les Renault FT s'alignent dans les usines.

Le reste de l'année 1917 est ainsi passé à corriger les défauts du Renault FT. Le char léger étant une invention particulièrement récente, les premiers véhicules sont construits sans blindage et n'ont qu'un but didactique. L'idée est d'apprendre des erreurs et des capacités du véhicule. De nombreux ajouts apparaissent, notamment la capacité de remplacer la mitrailleuse par un canon d'infanterie de 37mm. En octobre, c'est désormais Pétain qui commande désormais les armées françaises, et son enthousiasme pour les chars permet au projet de rentrer dans une production massive. Les concurrents d'hier deviennent des associés, et Renault partage la construction de son véhicule avec SOMUA (Société d'outillage mécanique et d'usinage d'artillerie), Delaunay-Belleville et Berliet. Très bien huilés, les rouages de cette coopération entre les entreprises permettent de produire le char Renault en nombre, et de corriger les derniers défauts du véhicule. 

Baptême du feu

Les premiers Renault FT entrent en scène le 31 mai 1918 et les théories sur les chars légers d'Estienne résistent à la pratique. Leur vitesse n'est que limitée, même pour l'époque, mais leur principal avantage vient de leur simple masse : en pesant 6 tonnes, les Renault FT peuvent être livré sur le champ de bataille par de simples camions. Par ailleurs, ils interagissent à merveille avec l'infanterie, en plus de motiver les hommes pour les derniers assauts de la guerre, comme tous les chars de l'époque. 

À gauche : un groupe de RT. À droite : un Renault FT américain.

S'ils ne sont pas nécessairement peu chers à produire, nos véhicules sortent en masse des usines françaises, et nos armées se retrouvent alors à les utiliser comme une nuée blindée sur tous les champs de bataille de 1918. Succès industriel et militaire, le Renault FT finit d'ailleurs par s'importer. Les américains en possèdent 173 en septembre et les anglais ont reçu leur premier exemplaire il y a quelques mois déjà. Ce Renault FT, au matricule 66016, est encore de ce monde et exposé au Tank Museum de Bovington.

Héritage

Considéré comme le meilleur char de la Première Guerre Mondiale, le Renault FT, par rapport aux véhicules de son époque, tient plutôt du char moderne : équipage à l'avant, moteur à l'arrière, tourelle... Tel est son legs dans l'histoire des véhicules blindés, où il s'inscrit en véritable modèle à suivre. Ironiquement, se seront les français qui auront le plus de mal à respecter ses enseignements. À la fin de la guerre, le général Estienne est convaincu que le futur appartiendra aux chars moyens. Il n'a pas tout à fait tort, mais il est légèrement en avance sur son temps, il préférera ainsi pousser le développement du Char B, quelques années avant la Blietzkrieg et ses nuées de véhicules.


Des Renault FT chargent !

Mais nous rentrerons dans cette période lors de notre prochain article. D'ici-là, vous pouvez vous amuser in-game avec le Renault FT, un Tier I très divertissant grâce à sa bonne accélération, sa cadence de tir et l'élévation de son canon.

 

A très vite pour un nouvel article, et... En avant !

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