Commandants,
Tous les écoliers français ont déjà entendu parler de l’Appel du 18 juin 1940, un message radiophonique du Général de Gaulle lancé sur les ondes de la BBC pour appeler les Français à ne pas cesser le combat contre le régime nazi malgré l’armistice signé par le Maréchal Pétain et l’occupation de la moitié de l’Hexagone.
Charles de Gaulle émettant sur les ondes de la BBC
Ce que moins de gens savent, toutefois, c’est qu’il n’existe aucun enregistrement de ce discours ; l’enregistrement audio de l’allocution du 22 juin et la version filmée le 2 juillet 1940 pour les actualités cinématographiques (l’équivalent du journal télévisé actuel) sont tous deux différents. Son contenu se distingue également de l’affiche À tous les Français (voir ci-contre) qui illustre la plupart de nos livres d’Histoire. Si ce discours est si connu, c’est parce qu’il est considéré comme le texte fondateur de la France Libre : les Français insatisfaits de l’armistice seront nombreux à sauter le pas vers la Résistance ou à s’expatrier au Royaume-Uni pour rejoindre les forces de la France Libre. |
Tous ces réfugiés n’avaient qu’une hâte : rassurer leurs proches restés au pays. Ils eurent alors recours au seul moyen de diffusion à leur disposition : la chaîne de radio BBC, qui diffusait déjà des bulletins d’information francophones plus appréciés de leurs concitoyens que Radio Paris (en zone occupée) et Radio Vichy (en zone libre), les radios gouvernementales strictement contrôlées par l’occupant.
Dès le 18 juin 1940, une nouvelle émission francophone est programmée sur les ondes britanniques, intitulée « Ici la France », puis renommée « Les Français parlent aux Français » début septembre de la même année. Les premières notes de la Cinquième Symphonie de Beethoven marquaient le début de l’émission, que le présentateur ponctuait de la célèbre formule « Ici Londres. Les Français parlent aux Français » ; les messages personnels couvraient généralement les cinq premières ou les dernières minutes de l’émission, dont le cœur était consacré aux nouvelles du front et aux actualités. Au fil du temps cependant, les messages personnels cédèrent la place à des messages à première vue incompréhensibles : des messages codés.
Georges Bégué, opérateur radio |
C’est vraisemblablement Georges Bégué, un opérateur radio français en mission qui, le premier, aurait eu l’idée d’utiliser ce système plus efficace et moins dangereux que le morse afin de surmonter les difficultés de liaison avec Londres. Ces messages étaient ainsi utilisés pour communiquer avec les équipes sur le terrain au nez et à la barbe des services de contre-espionnage allemands grâce à des formules et à des stratagèmes de chiffrement prédéterminés. Ils pouvaient être constitués d’une ou plusieurs phrases-clefs et se révéler très terre-à-terre ou au contraire piocher dans la littérature ou la liturgie, voire être totalement absurdes.
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Souvent, ils débutaient par les noms de code de l’émetteur et du destinataire : par exemple, avec De Cheval à Polydor, sommes navrés que les éléments soient contraires mais nous persisterons, l’agent Forest Yeo-Thomas (« Cheval ») annonce de manière non-ambigüe à Pierre Brossolette (« Polydor ») le report d’une mission de récupération en raison des mauvaises conditions météo.
Les messages opérationnels pouvaient remplir différentes fonctions :
Attaque du pont de Reculafol (Albarine, Rhône-Albarine) le 9 juin 1944
Personne ne sait exactement combien de messages codés furent ainsi diffusés par la BBC pour les auditeurs francophones entre juin 1940 et le 22 novembre 1944, date de la toute dernière émission « Les Français parlent aux Français ». En effet, il n’en existe aucun enregistrement audio et seules quelques centaines ont été retranscrites par les services secrets suisses : il était bien évidemment exclu que les agents situés en France écrivent les messages entendus car cela aurait pu signer leur arrêt de mort.
Les autres messages ne sont parvenus jusqu’à nous que grâce à la mémoire et le bouche-à-oreille et sont donc sujets aux erreurs, aisément pardonnables en raison des conditions difficiles : l’occupant surveillant étroitement l’accès aux communications, il fallait souvent se débrouiller avec des récepteurs peu performants, en cachette de la police et malgré le brouillage opéré par les autorités. Il suffisait souvent aux résistants de repérer quelques mots-clefs pour savoir que le message qu’ils attendaient était passé ; dès lors, connaissant le sens, se souvenir des mots exacts importait peu ; voilà pourquoi de nombreuses sources se contredisent sur les formulations exactes.
Sources :
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À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, commandants !